La photographie, un nouveau regard sur le monde au XIX siècle
par Charles-François Mathis, Maître de Conférences en histoire contemporaine à L’université Bordeaux-Montaigne.
L’annonce faite en 1839 par François Arago de la découverte, par Louis
Daguerre, du premier procédé photographique peut être comprise comme un tournant
de l’histoire artistique et industrielle du xixe siècle.
Elle l’est tout d’abord par l’abondance des inventions qu’elle fait sortir de l’ombre : le daguerréotype, bien entendu ; le calotype, invention concurrente du britannique William Talbot, qu’on pourrait tout aussi bien considérer comme l’autre inventeur de la photographie ; les trouvailles d’Hippolyte Bayard ; etc.
Ces inventions permettent une chose inimaginable auparavant : une reproduction (plus ou moins) fidèle de la réalité, par un simple procédé technique où l’intervention humaine semble faible, sinon inexistante. De nouveaux points de vue sur le monde s’offrent ainsi à l’homme : Il peut l’étudier comme il ne l’avait jamais fait avant, dans son infinie petitesse ou dans l’immensité de son univers. Il peut étudier les hommes qui peuplent la terre, les catégoriser, figer leur identité. Il peut utiliser ces capacités nouvelles pour résoudre les crimes, découvrir le détail révélateur qui échappait au regard des enquêteurs. Il peut décomposer le mouvement, avant de le reproduire.
Cette maîtrise du réel soulève à son tour une interrogation fondamentale sur le statut de l’art : que lui reste-t-il si la photographie, mieux que lui, reproduit le monde ? Dans ce questionnement, c’est finalement le destin de l’art moderne qui se joue.